L'édito de mars 2021
Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?
Ai-je raison ou tort de penser ainsi ?
Pourquoi, toi, ne penses-tu pas comme moi ?
Et les experts, ils en pensent quoi ?
Quelle étrange époque… Port du masque, réglementation de la vie scolaire pour nos enfants, vaccination, restrictions des déplacements, vacances en famille, réunion entre amis…Nous avons tous à construire une pensée sur une situation impensable.
Complexe mouvement mental qui nous oblige à réfléchir, raisonner et anticiper sur des évènements inédits, profondément nouveaux. Les repères nous manquent pour amarrer nos opinions sur des connaissances solides, des preuves, des données fiables ou du moins non-contradictoires…
À toute cette confusion d’informations, il nous faut faire avec nos mouvements émotionnels et surtout avec cette inquiétude, cette anxiété qui nous taraude voir nous assaille au plus profond de notre sentiment de sécurité.
Alors nous voilà pris dans un tourbillon d’émotion et d’informations, de témoignages, de discussions, de post en tous genre sur les réseaux sociaux... Un véritable chaos interne qui tend fortement à désorganiser notre pensée. Notre néocortex, le siège de nos fonctions intellectuelles, se court-circuite et c’est l’amygdale, le siège de la peur, qui prend le gouvernement de notre pensée. Nous nous agrippons à nos convictions comme des naufragés à une bouée pour nous donner une illusion de solidité, une illusion de savoir, une position… alors que la réalité est telle actuellement que nous ne savons rien. Personne ne sait vraiment !
Cet agrippement à nos certitudes illusoires est bien dangereux… elle nous ôte dans le même mouvement notre capacité de discernement, nous rendant bien incapables de relativiser, de prendre du recul, de rester ouverts et disponibles à l’intégration de nouvelles et différentes données. Nous rejetons, nous pointons du doigt tous ceux et celles dont l’avis menacerait la position de notre bouée… Notre énergie n’est plus disponible pour penser. Elle est maintenant seulement allouée à nous défendre et à nous protéger. Posture agressive, défensive, nous nous hérissons les uns contre les autres au risque de nous blesser, de nous éloigner, au lieu de nous aider à réfléchir ensemble.
Remettons de l’ordre dans le chaos de notre pensée et de nos émotions. Desserrons nos défenses psychologiques qui étriquent nos perspectives et embrassons toutes ces inconnues, car il est urgent de miser sur notre intelligence collective pour arpenter le chemin.
« L’ignorance provoque un tel état de confusion qu’on s’accroche à n’importe quelle explication afin de se sentir un peu moins embarrassé. C’est pourquoi moins on a de connaissances, plus on a de certitudes. Il faut avoir beaucoup de connaissances et se sentir assez bien dans son âme pour oser envisager plusieurs hypothèses. »
Boris Cyrulnik.
Le billet de la psy
Par Audrey Platania-Maillot, Psychologue du développement
Mais que nous arrive-t-il ?
Nous sommes à ce point désorientés que, dans cette période si mouvementée, nous agissons en réactivité émotionnelle constante. Pressurisés, notre espace intérieur est saturé et au moindre effleurement nous sursautons et nous adoptons une posture de défense ou d’attaque. Notre ouverture, notre patience, notre bienveillance déraillent ...